Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

Malgré une attention croissante accordée au nexus eau–énergie–alimentation, peu de travaux ont montré comment il se traduit pour les irrigants. Cet article analyse la diversité des systèmes d'irrigation et comment ils influencent l'utilisation de l'eau et de l'énergie dans le Maroc semi-aride où l'irrigation goutte à goutte par l'eau souterraine, théoriquement économe en eau, est énergivore. Des données sur les systèmes d'irrigation et les consommations d'eau et d'énergie, collectées par des entretiens, des observations et des mesures dans 25 exploitations agricoles, ont été analysées au moyen de calculs hydrauliques et de régressions linéaires multiples. Les résultats montrent que chaque agriculteur utilise entre une et trois pompes, et jusqu'à deux bassins de stockage d'eau, pour pomper l'eau de forages pouvant atteindre 120 m de profondeur, et la transférer sur plusieurs kilomètres, afin d'atteindre des terres fertiles prises en location pour l'irrigation. Ces distances s'avèrent n'avoir que peu d'effet sur la consommation énergétique de chaque système, variant entre 4.62 et 4.88 kWh m—3, mais les moteurs de voiture recyclés utilisés pour ces pompages sont largement inefficients, consommant en moyenne 2.5 kWh m—3.
La résultante pression sur les ressources en eau souterraines et les terres disponibles, et l'inefficience énergétique de leur irrigation, sont accentuées par les subventions étatiques. L'expansion de l'agriculture irriguée intensive s'accompagne d'arrangements fonciers conflictuels et d'inégalités croissantes dans l'accès à l'eau conditionnant la durabilité de ces systèmes et démontrant l'intérêt d'analyses qui dépassent la stricte perspective de nexus.