Collectivite Auteur :
Fédération internationale des associations de bibliothèques
Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture
Année de Publication :
0
Type : Article
Thème : Généralités et aspects théoriques des sciences de l'information
La troisième version du Manifeste de l'IFLA/UNESCO sur la bibliothèque publique fut publiée en 1994. Elle fut rapidement reconnue comme une importante déclaration des principes fondamentaux du service de la bibliothèque publique. Elle a été traduite en plus de vingt langues et elle est devenue un document influençant le développement de la bibliothèque publique (voir Appendice 1). Il apparut également qu'existaient un besoin et une demande pour un exposé plus détaillé des principes directeurs et des normes que les bibliothécaires et les décideurs pourraient utiliser afin de développer les services de la bibliothèque publique. Le comité de la Section de l'IFLA des bibliothèques publiques décida donc d'élaborer de nouveaux principes directeurs et chargea six de ses membres de rédiger une première version.
En 1973, l'IFLA avait publié les "Normes pour les bibliothèques publiques", qui furent rééditées avec quelques révisions en 1977. Ce texte fut remplacé en 1986 par les "Principes directeurs pour les bibliothèques publiques". Ces deux publications ont été rattrapées par les développements extraordinaires des technologies de l'information qui sont intervenus ces toutes dernières années. Comme leur titre le suggère, elles représentaient deux approches différentes en matière de conseils pratiques à l'intention des bibliothécaires. L'introduction des Normes de 1973 déclarait : "Nous avons pensé que des normes distinctes ne sont pas souhaitables, puisque les objectifs généraux sont les mêmes dans tous les pays, le facteur variable étant l'allure à laquelle le développement se produit". La version de 1973 présente donc une série de normes quantitatives sur le volume des collections, la taille des unités administratives, les heures d'ouverture, la dotation en effectifs et les standards de construction.
Les auteurs des Principes directeurs de 1986 adoptèrent un point de vue différent :
"Quand les besoins et les ressources sont si différents, il ne peut exister de normes communes en matière de services… Nous n'offrons pas des règles, mais des conseils basés sur l'expérience de nombreux pays différents et susceptibles d'une application générale … Des recommandations chiffrées, basées sur des expériences passées dans des circonstances complètement différentes, seraient nécessairement peu fiables et trompeuses". Des statistiques portant sur des bibliothèques publiques dans divers pays étaient présentées dans une annexe, les bibliothécaires pouvant s'y référer pour évaluer leur propre service.
En préparant cette nouvelle édition, nous avons soulevé de nombreux sujets, mais sans doute les trois questions clés étaient les suivantes :
Le document final devrait-il comporter à la fois des principes directeurs et des normes quantitatives ou bien se limiter aux seuls principes directeurs ?
Serait-il possible de préparer une version que pourraient utiliser les bibliothécaires de pays dont les services de bibliothèque se trouvent à différents stades de développement et dotés de niveaux de ressources très différents ?
Peut-on faire des recommandations sur l'usage des technologies de l'information et de la communication dans des bibliothèques publiques où la disponibilité de celles-ci et les ressources nécessaires pour assurer leur existence et leur soutien présentent de telles variations ?
C'est donc pour discuter, entre autres, de ces problèmes qu'un séminaire se tint à Noordwijk, aux Pays-Bas en août 1998. Y participèrent vingt-deux bibliothécaires issus de vingt et un pays de différentes parties du monde et de bibliothèques publiques se trouvant à divers stades de développement et dotées de ressources dissemblables. Les conclusions dégagées à l'issue de cet événement stimulant ont exercé une profonde influence sur le travail du groupe chargé de la révision. Les délégués de Noordwijk ont considéré qu'il fallait absolument que la nouvelle publication intègre certaines normes pratiques et ne soit pas limitée aux seuls principes directeurs ou recommandations. Il apparut que les Normes de 1973 n'avaient pas été oubliées et, dans une certaine mesure, étaient encore utilisées, tandis que les
Principes directeurs de 1986 n'avaient pas eu le même impact. Bien que les participants fussent parfaitement conscients de la grande variété des conditions sociales et économiques dans lesquelles les bibliothèques publiques fonctionnent dans différents pays, ils décidèrent donc que la nouvelle édition devrait, pour avoir une valeur pratique, recommander certaines normes.
La décision d'inclure des normes souligne l'importance de la seconde question ; est-ce qu'un ensemble de normes et de principes directeurs peut avoir une compétence universelle ?
Chaque mouture de la publication fut envoyée aux délégués de Noordwijk et à un certain nombre de personnes qui avaient manifesté leur intérêt pour le projet. Des réunions se tinrent également à l'occasion des conférences de l'IFLA d'Amsterdam (1998), de Bangkok (1999) et de Jérusalem (2000). Ce processus de consultation a constitué un élément irremplaçable du projet et il a révélé tout à la fois la puissance du mouvement de la bibliothèque publique à l'échelle mondiale et les similitudes et différences entre les bibliothèques publiques des différents pays et sociétés.
Malgré les écarts entre les niveaux de service et de financement pour les soutenir et les développer, il ne serait pas fructueux, fut-il estimé, de préparer une nouvelle édition destinée à un seul groupe de bibliothèques publiques, celles par exemple du monde « développé » ou celles du monde « en développement ». Une telle catégorisation est trompeuse, car le niveau et la gamme des services, ainsi que leur efficacité, ne sont pas nécessairement liés aux ressources disponibles. Dans tous les pays et à quelque stade de développement qu'elles soient, les bibliothèques sont susceptibles d'être améliorées et possèdent tout à la fois des points forts et des faiblesses. Il fut donc convenu d'élaborer un ensemble de principes directeurs et de normes, qui puisse être valable pour toutes les bibliothèques publiques à un quelconque stade de développement. Certes, il n'est pas facile de satisfaire à des normes quand on ne dispose pas de statistiques de population fiables ; nous avons donc suggéré des approches alternatives. Nous recommandons d'utiliser également les principes directeurs plus détaillés produits par les sections spécialisées de l'IFLA. Si les bibliothèques publiques ne peuvent pas satisfaire immédiatement à toutes les normes et recommandations, nous espérons qu'elles représenteront un but vers lequel elles tendront. Cette publication est d'abord destinée aux bibliothécaires et doit leur servir à lutter pour améliorer les services de bibliothèque.
Nous avons également inclus quelques exemples de textes statutaires réglementant des bibliothèques européennes. Ces exemples ne sont pas nécessairement exhaustifs ni les plus remarquables qui existent. Ils sont simplement destinés à illustrer le texte avec des images de ce qui se passe dans les bibliothèques publiques de certains pays, et à offrir des aperçus de solutions imaginatives à des challenges spécifiques. Bien d'autres exemples, certes, seraient également pertinents ; mais ceux-ci montrent ce qui se fait à travers le monde pour aligner le service de la bibliothèque publique sur les besoins de ses usagers dans une situation locale.
Nous avons aussi noté les adresses des sites Web de certaines de ces initiatives pour ceux qui désireraient plus de détails.
Ces dernières années, les développements rapides et spectaculaires dans les technologies de l'information ont révolutionné la manière dont l'information est collectée, présentée et disponible. La synergie entre les technologies de l'information et de la communication a permis d'accéder à l'information par des moyens difficilement imaginables lorsque les derniers Principes directeurs furent publiés en 1986. On a connu une accélération du changement et cela continue de plus belle. Peu de secteurs d'activités ne sont pas affectés par cette révolution, et la bibliothèque publique, dont l'un des premiers rôles est de fournir de l'information, est confrontée à des mutations radicales dans tous les aspects de son organisation et de la distribution de ses services.
De nombreuses bibliothèques publiques ont relevé le défi de la révolution électronique et profité de l'opportunité pour développer leurs services sur des voies nouvelles. Mais il y a aussi le revers de la médaille. Le Rapport sur le Développement humain des Nations Unies de 1999 révèle que si l'Internet est l'outil de communication à la croissance la plus rapide, l'Asie du Sud, qui compte 23,5 % de la population mondiale, ne comprend que 0,1 % des utilisateurs d'Internet. Dans un quart des pays du monde, il n'existe qu'un téléphone pour 100 personnes.
Pour tirer profit des opportunités offertes par la technologie de l'information et de la communication, il faut être alphabétisé, posséder des compétences informatiques et disposer d'un réseau de télécommunications fiable. Le risque d'une fracture entre les riches et les pauvres en information n'a jamais été aussi grand. Cette fracture n'existe pas seulement entre les pays se trouvant à différents stades de développement mais aussi entre les groupes et les individus à l'intérieur d'un même pays. Le rapport des Nations Unies déclare que "des efforts déterminés sont nécessaires pour amener les pays en développement – et les pauvres partoutà prendre part à la communication globale".
Les bibliothèques publiques ont une chance historique d'aider à amener tout un chacun à participer à cette communication globale et de combler ce qui est souvent appelé "la fracture numérique". Pour réussir, il leur faut offrir un accès public à la technologie de l'information, enseigner les techniques informatiques de base et participer à des programmes de lutte contre l'analphabétisme. Cependant, pour rester fidèles au principe de l'accès pour tous, elles doivent aussi continuer à maintenir les services qui dispensent l'information par des voies différentes, par exemple l'imprimé ou la tradition orale. Ces modes de transmission resteront d'une importance vitale dans un avenir prévisible. Bien que l'objectif de devenir la porte du monde de l'information électronique soit primordial pour la bibliothèque publique, tous les efforts doivent être déployés pour ne pas fermer d'autres portes permettant de fournir des connaissances et des informations. C'est un défi majeur pour les bibliothèques publiques et leur réponse déterminera la viabilité future du service de bibliothèque. Nos recommandations ont été élaborées en gardant à l'esprit cette question.
Dans l'introduction aux Principes directeurs de 1986, Arthur Jones écrivait : "Le groupe de travail a identifié de nombreux impératifs : les mots "doit", "il faut" reviennent fréquemment. Ce n'est pourtant pas un ensemble de règles pour une bibliothèque idéale, mais un instrument pour aider à la mise au point de services qui répondront au mieux aux besoins de votre communauté. Les principes directeurs suggéreront ce qui est possible, mais les conditions locales dicteront ce qui est faisable et ce qui concerne les services et l'organisation". Nous pourrions répéter cette déclaration. La bibliothèque publique est un service à base locale répondant aux besoins de la communauté locale et opérant dans le contexte de cette communauté. Ces principes directeurs ont été formulés pour aider les bibliothécaires à mettre en oeuvre un service de bibliothèque publique efficace en fonction des besoins de leur communauté locale.
Dans ce monde passionnant et complexe de l'information, il est important que ceux qui sont en quête du savoir, de l'information et d'une expérience créative puissent réussir.