Année de Publication :
2021
Type : Etude
Thème : Société
Couverture : Maroc
Dans le monde, comme au Maroc, les personnes en situation de handicap (PSH) comptent parmi les personnes les plus marginalisées. Elles font l’objet de multiples formes de discriminations dans leur parcours de vie en raison de barrières importantes d’ordre juridique, lorsque les lois nationales ne tiennent pas compte des situations de handicap et ne protègent pas suffisamment les personnes ou lorsqu’elles les dispositions concernant le handicap ne sont pas appliquées; d’ordre économique lorsque la situation de handicap représente un coût supplémentaire et que les personnes ne disposent pas de ressources et de moyens suffisants pour répondre à leurs besoins de santé, d’éducation et d’accompagnement ; d’ordre technique, lorsque les personnes sont empêchées d’accéder à un espace ou de réaliser une action en raison de l’absence d’accessibilités et d’outils adaptés à leur situation. Enfin, les barrières rencontrées sont également culturelles lorsque les normes sociales sont porteuses de croyances, de stéréotypes, de préjugés et d’attitudes négatives vis à vis du handicap qui conduisent à la stigmatisation et à l’exclusion des personnes concernées. Toutes ces barrières sont interconnectées et interdépendantes et constituent des freins à une acceptation pleine et entière des personnes en situation de handicap.
Aujourd’hui, si dans les textes et le discours institutionnel, le handicap est accepté dans sa définition moderne en conformité avec la définition qu’en donne le cadre des droits de l’Homme, dans la réalité celui-ci est encore objet de stigmatisation, de discrimination et d’exclusion sociale.
Dans la culture populaire, le handicap est attribué à la maladie, à une faiblesse et à une destinée divine mettant la famille et la société à l’épreuve. Il fait l’objet d’une attitude ambivalente qui oscille entre rejet et protection. Les personnes en situation de handicap bénéficient d’une forme d’acceptation sociale basée sur la compassion, la bienveillance et le sens du devoir de charité envers les personnes considérées plus faibles et vulnérables ; comme elles font l’objet de pratiques fortement préjudiciables visant à cacher, exclure ou réparer le handicap. Par ailleurs, la prise en charge du handicap repose en premier lieu sur la famille et les liens de solidarité familiale, et est assurée par les associations caritatives fondées également par des familles face à un vide au niveau des infrastructures de prise en charge médicales et éducatives institutionnelles. Au niveau des institutions, l’approche médicale prévaut et explique en partie l’accès difficile des personnes en situation de handicap à divers espaces de participation citoyenne, comme l’école, l’université ou le monde du travail. Celles-ci sont considérées inaptes et dans l’incapacité d’accomplir ou d’assimiler « normalement » une tâche ou une information.
Ces préjugés, comme des attitudes charitables, pourtant perçues comme bienveillantes, constituent des facteurs limitants et préjudiciables pour les personnes en situation de handicap, qui au même titre que tout individu, sont en recherche d’autonomie économique et sociale et aspirent à s’affranchir des stigmates liés au handicap.
Néanmoins des changements importants sont en cours, en partie liés aux acquis en termes de droits, aux réformes institutionnelles et aux transformations sociales que connaît la société marocaine de manière générale. Sur le plan institutionnel, les réformes qui ont suivi l’adoption de la convention internationale remettent en question l’approche du handicap dite médicale et l’approche caritative au profit d’une approche basée sur les droits. L’évolution de la terminologie associée au handicap dans le discours constitue également un facteur de changement non négligeable. Le vocabulaire désignant le handicap a évolué. Des termes fortement stigmatisant et qualifiant les PSH d’infirmes, invalides, débiles, ou d’handicapés ont été petit à petit supprimés au profit de termes qui traduisent davantage la situation des personnes, comme personnes handicapées, personnes en situation de handicap ou encore personnes à mobilité réduite (pour le handicap moteur) ou personnes à besoins spécifiques. Ces termes ne signifient pas pour autant qu’il y a une acceptation positive du handicap et sont souvent utilisés de manière inadéquate, mais ils témoignent tout de même de certains acquis dans le combat pour la reconnaissance des droits et sont des préalables à un changement de paradigme dans le domaine. Sur le plan sociétal, le handicap n’est plus perçu comme une honte et les personnes sont plus visibles et plus présentes dans l’espace public et dans différents domaines de la vie collective. seulement, les stigmates ont la vie dure, et bien que les personnes accomplissent différentes fonctions sociales, tout leur est plus difficile parce qu’elles font face à des barrières physiques en raison du manque généralisé d’accessibilités et à des barrières culturelles et mentales. Ces dernières s’expliquent en partie par une méconnaissance et une incompréhension des différentes situations de handicap.
A partir de paroles collectées auprès d’une centaine de personnes en situation de handicap, de familles et de professionnels, l’étude vient apporter un regard empirique sur les représentations sociales vis à vis du handicap. Elle interroge, à partir du vécu et des expériences personnelles et collectives, les normes sociales et les attitudes qui agissent sur la participation sociale des personnes en situation de handicap ? Comment s’expriment-elles et se manifestent-elles ? et comment peut –on agir pour les déconstruire et impulser un changement de regard ?.