Auteur :
Chouaib
Jaouad,
Sebti
Nadia,
El Khamlichi
Mohamed
Année de Publication :
2024
Type : Rapport
Thème : Société
Couverture : Maroc
Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, s’inscrit dans un contexte marqué par l’utilisation massive, aux niveaux mondial et national, des réseaux sociaux par les enfants. Si ces plateformes numériques offrent certains avantages tangibles, elles exposent également les enfants à des risques importants pour leur santé physique et mentale ainsi que pour leur développement social et scolaire. Des pistes d’action sont proposées pour concilier les bénéfices du numérique avec l’impératif de protéger les enfants contre ses dangers potentiels, tout en les éduquant à une utilisation éclairée et responsable des réseaux sociaux.
Le CESE a adopté à l’unanimité cet avis lors de la 156ème session ordinaire de son Assemblée Générale tenue le 28 mars 2024.
L es réseaux sociaux, utilisés de manière appropriée, peuvent stimuler la créativité, encourager l’expression personnelle et faciliter l’accès au savoir. Ils offrent aux enfants l’opportunité de rester en contact avec leurs pairs, de s’engager dans des communautés en ligne et d’accéder à une multitude de ressources éducatives et récréatives. En 2023, des plateformes comme Facebook, WhatsApp et Instagram comptaient des milliards d’abonnés à travers le monde. Au Maroc, 23 millions de personnes (66% de la population) les utilisent, y compris les enfants de 5 à 18 ans.
Il demeure, néanmoins, que l’utilisation excessive et inappropriée du numérique, en particulier des réseaux sociaux chez les enfants, constitue une menace sérieuse pour leur santé mentale et physique. Des recherches approfondies et documentées ont révélé une série de troubles psychologiques et comportementaux préoccupants, allant des troubles du sommeil et de la concentration aux comportements violents, addictions, troubles anxieux, isolement social, dépressions, voire des tentatives de suicide.
Bien que le Maroc ait ratifié la convention internationale des droits de l’enfant des Nations Unies et qu’il dispose d’un cadre légal dédié à la protection des enfants, les dispositifs actuels s’avèrent insuffisants face aux défis spécifiques posés par les plateformes en ligne. L’absence de réglementations précises encadrant l’utilisation des réseaux sociaux par les mineurs obère la capacité à garantir une protection efficace et durable dans l’espace numérique.
De plus, et malgré l’engagement de nombreux acteurs nationaux et internationaux, les initiatives en faveur de la protection des enfants en ligne restent fragmentées et souffrent d’un manque patent de coordination et de convergence des parties prenantes concernées autour d’une vision stratégique nationale partagée.
Aux facteurs précités s’ajoutent, selon les acteurs auditionnés et les enquêtes réalisées, une prise de conscience insuffisante des parents concernant les risques associés aux réseaux sociaux, ainsi qu’une connaissance limitée des outils de contrôle parental, exacerbant de ce fait la vulnérabilité des enfants face aux effets délétères potentiels des réseaux sociaux.
Sur la base de ce diagnostic partagé, le CESE appelle à la mise en place d’un environnement numérique inclusif et sécurisé pour les enfants. Pour y parvenir, il est essentiel que tous les acteurs impliqués dans la protection de l’enfance intensifient leur collaboration, coordonnent leurs actions et mutualisent leurs efforts afin de relever les différents défis associés à la protection des enfants contre les dangers des réseaux sociaux. A cette fin, il est nécessaire de renforcer la politique intégrée de protection de l’enfance (PIPE) en intégrant explicitement, parmi ses objectifs stratégiques, la sécurité numérique des enfants, notamment la protection contre les risques liés aux réseaux sociaux. Dans ce sens, un ensemble de recommandations ont été émises par le CESE, parmi lesquelles :
• Adapter le cadre légal aux développements du numérique en harmonisant les lois nationales avec les normes internationales pour protéger les enfants des dangers des réseaux sociaux. Cela inclut la caractérisation des crimes en ligne, la clarification des responsabilités des entreprises technologiques et des opérateurs de télécommunications, ainsi que l’établissement de règles spécifiques pour encadrer l’utilisation, par les enfants, des réseaux sociaux.
• Fixer un âge minimum pour l’accès aux réseaux sociaux, accompagné de mesures contraignantes pour les plateformes, telles que l’obligation de refuser l’inscription des mineurs sans consentement parental.
• Intensifier la collaboration entre les autorités gouvernementales et les plateformes numériques afin d’assurer une meilleure sécurisation de l’espace numérique, notamment en définissant des protocoles clairs et rapides pour signaler et traiter les contenus inappropriés ou dangereux (cyberharcèlement, contenus violents, etc.).
• Déployer les outils de l'intelligence artificielle pour détecter proactivement les contenus inappropriés, analyser les comportements à risque, adapter les contrôles parentaux de manière personnalisée et automatiser la modération des contenus dangereux, afin d'assurer une réponse rapide et efficace face aux menaces présentes sur les réseaux sociaux.
• Intégrer, dès le plus jeune âge, l’éducation numérique dans les programmes scolaires, en mettant l’accent sur le développement de l’esprit critique et la vérification des informations.
Parallèlement, sensibiliser les producteurs d’information à leurs responsabilités dans la lutte contre les fausses informations, et mener des campagnes de sensibilisation ciblées à l’attention des parents et des utilisateurs sur les risques liés aux réseaux sociaux, tout en promouvant l’adoption de contrôles parentaux.
• Élaborer un rapport annuel sur la situation de la protection des enfants en ligne, à soumettre aux commissions compétentes du Parlement pour évaluation et suivi.