Auteur :
Lfarakh
Abdellatif
Année de Publication :
0
Type : Article
Thème : Planification sociale
Couverture :
Maroc
L'étude des connaissances, des attitudes et des préférences en matière de planification
familiale facilite la compréhension des déterminants des comportements en matière de
procréation. A cet égard, la femme, de par son rôle dans le processus de reproduction,
constituait l'unité d'analyse privilégiée de la plupart des études qui s'intéressaient aux
mécanismes déterminant les comportements de contraception. L'homme n'était pris en
considération qu'à travers des données obtenues par le biais de la femme, elle même. Les
opinions, attitudes et comportements du mari ont été le plus souvent négligés. Récemment, la
nécessité de mieux clarifier le rôle joué par les hommes commence à se faire sentir,
notamment parce que la théorie classique de la transition démographique ne permettait pas
d'expliquer totalement les changements de la fécondité dans différents contextes culturels1.
Pour répondre à ces préoccupations, les enquêtes sur la population et la santé (DHS) ont
intégré un module sur les connaissances, les attitudes, les préférences et comportements
relatifs à la planification familiale et la reproduction de l'homme, soit des données obtenues à
travers des questions adressées directement à l'homme, lui même. Cette étude, qui s'inscrit
dans le cadre de ce courant d'idées, part de l'hypothèse selon laquelle l'homme tient un rôle
aussi important que celui de la femme dans le processus de prise de décision relatif à la
régulation de la reproduction. En effet, plusieurs indications montrent que les hommes sont
concernés par l’utilisation de la contraception, directement en tant qu’utilisateurs des
méthodes masculines de contraception, et indirectement en raison des coûts engendrés par le
recours à la contraception.
Ainsi, sur le plan financier, les hommes participent aux frais qui découlent de
l’adoption ou de la continuité de la contraception. Ils sont également concernés sur le plan de
la santé. En effet, quand la femme se trouve en état de morbidité à cause des effets
secondaires résultant de l'utilisation d'une méthode contraceptive, sa contribution au bien-être
du ménage diminue. Par exemple, une diminution de sa participation à l’activité économique
suite à une maladie pourrait se traduire par une réduction de sa contribution financière aux
ressources du ménage. Une mère malade et fatiguée ne peut pas s'occuper de son foyer et
entretenir ses enfants aussi bien que lorsqu'elle est en bonne santé. Outre l'effet psychologique
de cette situation sur le mari, on peut noter que celui-ci est souvent appelé à assumer les coûts
financiers des soins médicaux éventuels de son épouse. Enfin, sur le plan social, l'utilisation
de la contraception pourrait être une source de déconsidération du couple. En fait, dans les
groupes où la pratique contraceptive est vue comme indicateur d’affaiblissement du contrôle
de l’homme sur sa conjointe ou d'une anomalie affectant sa virilité, les coûts sociaux
potentiels que génère le recours à la contraception peuvent être plus élevés pour l’homme que
pour la femme2. Il n’est donc pas étonnant que les époux poursuivent, parfois, des buts
différents en matière de procréation entraînant, quelquefois, une utilisation secrète de la
contraception de l'un des conjoints3.
Pour étudier les différences d’attitudes et de comportements en matière de
reproduction entre les hommes et les femmes, on comparera les valeurs moyennes relatives
aux variables de connaissances, de préférences et de comportements des maris à celles des
épouses. En raison de l’effet de compensation des variations de différents signes, une telle
démarche pourrait sous-estimer la fréquence des discordances entre les réponses des
conjoints. Aussi, des comparaisons seront-elles faites au niveau du couple. On s'intéressera
alors d'une part, aux déclarations des conjoints sur leurs connaissances et pratiques
contraceptives (connaissance, utilisation passée et actuelle de la contraception) et, d’autre
part, sur les réponses concernant leurs préférences et intentions en matière de reproduction
(méthode préférée, désir d’avoir des enfants supplémentaires et intentions d'utiliser une
méthode contraceptive dans le futur). Le but étant de mesurer le degré de concordances /
discordances qui peuvent exister entre les conjoints et d'en expliquer les raisons et
motivations. Par exemple, quand ces derniers n’ont pas les mêmes avis, on peut supposer
qu’ils ont des difficultés en matière de prise de décision relative à la planification familiale4,
et que l’un des conjoints sera frustré dans ses aspirations, notamment en raison du manque de
communication au sein du couple.
En effet, on avance souvent que le degré de concordance des attitudes et d’opinions varie
selon la nature des relations entre les partenaires. Ainsi, on montre qu'en matière de pratique
contraceptives et de préférence de fécondité, plus l’écart d’âge ou le niveau différentiel
d’autorité entre conjoints est grand, plus est important le risque que les déclarations du mari et
de l'épouse soient discordantes5. En particulier, lorsque les conjoints discutent de la
planification familiale et des préférences de fécondité, les chances pour qu'ils finissent par
partager des points de vue similaires sont plus importantes que dans le cas contraire. C’est ce
qu’on abordera dans un autre axe de la présente étude. Enfin, en combinant les réponses
relatives aux questions sur le désir d'avoir des enfants supplémentaires et la pratique
contraceptive actuelle nous étudierons l'évolution des besoins non-satisfaits de la femme en
matière de planification familiale avant d'approfondir cette notion en estimant, aux niveaux
des hommes et du couple, les besoins non-satisfaits pour limiter le nombre de naissances à
partir de l'Enquête Nationale sur la Population et la Santé de 1992 (ENPS-II), seule source
disponible ayant adressé des questions aux femmes aussi bien qu'aux hommes au Maroc.