Auteur :
Antonin
Adam
Date de publication : 21/06/2019
Type : Thèse / Mémoire
Thème : Agriculture
Couverture : Maroc
L’abeille et son élevage sont soumis, depuis plus de vingt ans, à un ensemble de perturbations (pesticides, maladies, changements climatiques, pratiques agricoles) qui se combinent et interfèrent, plaçant les apiculteurs devant un horizon fait d’incertitudes croissantes et généralisées. Si la cause est entendue, le battage médiatique qui y est associé a cependant tendance à invisibiliser les pratiques des apiculteurs et leur diversité. Ce travail poursuit donc deux objectifs. Le premier consiste à (re)donner sa place à l’apiculture dans les recherches agraires et rurales en tant qu’activité agricole aux formes variées. Le second est d’apporter des éléments de débat, et pourquoi pas de réponse, aux incertitudes rencontrées par les apiculteurs. La perspective générale de cette thèse est donc de rendre compte de la diversité en recentrant l’analyse des apicultures sur les savoir-faire apicoles, leur inscription spatiale, sociale et culturelle afin de comprendre les rapports dynamiques entre cette activité et les milieux qu’elle prend pour ressource. Pour cela nous nous appuyons sur deux cas d’études complémentaires, le sud-ouest du Maroc et la Corse.
Une première partie de ce travail s’attache à décrire, selon une perspective diachronique, ce qui fonde les apicultures des terrains étudiés. Deux monographies proposent ainsi une relecture des dynamiques agraires par le prisme de l’apiculture, systématiquement oubliée dans les études rurales jusqu’à présent. Par des descriptions fines des pratiques apicoles puis de la place de l’apiculture dans l’espace ainsi que dans les projets individuels et collectifs, nous montrons l’articulation de l’activité apicole aux dynamiques paysagères et territoriales des cas étudiés. Nous proposons ensuite trois points de comparaison issus de ces monographies. Un premier revient sur les changements techniques qui ont bouleversé les apicultures depuis les années cinquante selon un même paradigme occidental de modernité reposant sur un contrôle accru de la Nature. Nous démontrons, en mobilisant une approche par les transitions sociotechniques, que l’application d’un tel paradigme, présenté comme horizon technique unique, connait malgré tout de multiples formes de réappropriations. Nous interrogeons de cette façon les velléités politiques et sociales de poursuivre dans cette voie alors même que les incertitudes s’amoncellent. Un second point se focalise sur les réponses apportées à ces incertitudes et sur l’importance et l’efficacité, au cours du temps, des réponses collectives et territorialisées mises en place par les apiculteurs. Il s’agit de faire suite aux critiques adressées au paradigme dominant de rapport à la Nature qui promeut une technicisation toujours plus poussée et des pratiques individualisées. Nous montrons que l’apiculture, du fait d’un insecte particulièrement mobile et de ressources majoritairement non appropriées et peu contrôlées, nécessite des actions concertées dépassant l’échelle individuelle de l’exploitation. Pour finir, nous prolongeons ce constat à travers l’étude des coexistences des manières de faire de l’apiculture en termes de durabilité à la fois des filières et des territoires. Ainsi, nous en venons à étendre le débat à la coexistence apiculture/agriculture qui cristallise aujourd’hui la prise de conscience sociétale d’une crise environnementale globale. Au travers de ces trois points de comparaison, l’apiculture apparait comme une activité à même de questionner, de manière complexe, les rapports changeants que les sociétés entretiennent avec leurs milieux. Cette thèse, pionnière en sciences sociales concernant l’apiculture, a une portée exploratoire non négligeable. Elle se veut être une première pierre à de nouvelles mises en débat des apicultures conjointement à celles qui animent aujourd’hui l’agriculture dans son ensemble.