Auteur :
Dagenais
Gabriel
Année de Publication :
2016
Type : Thèse / Mémoire
Thème : Gouvernance
Couverture : Canada
Au Québec (Canada), le respect d'une bande riveraine de 3 m en milieu agricole est prévu dans la PPRLPI depuis 1991, mais son application faisait encore notoirement défaut en 2015, 24 ans plus tard. C'est ce décalage entre le cadre règlementaire· formel et son application concrète par des acteurs réels que nous avons étudié ici, grâce aux outils de l'analyse stratégique de Crozier et Friedberg. Nous avons fait et analysé 37 entretiens semi-dirigés : 14 producteurs ou ex-producteurs agricoles, 4 représentants des producteurs, 4 fonctionnaires provinciaux, 7 fonctionnaires, cadres et élus municipaux, 11 agronomes ou fournisseurs de produits et services agricoles, 3 responsables de projets d'intervention en bassins versants agricoles, 1 chargé de projet d'organisme de bassin versant et 1 juriste en droit de l'environnement. À cette méthode de recherche, nous ajoutons une revue de la jurisprudence pour montrer comment l'interprétation judiciaire fait, elle aussi, évoluer la signification du texte. Au chapitre 2, nous avons démontré la pertinence de cet apport méthodologique par l'étude du jugement Tôth dans l'Affaire Sutton et la réinterprétation de l'ensemble des lois existantes qu'il oblige, avec la Loi sur le développement durable en tête.
Nous avons montré comment deux sous-systèmes cohabitent dans un grand système d'action concret, un premier, d'une importance marginale, acceptant la démarche agroenvironnementale, alors qu'un sous-système de plus grande ampleur la rejette de facto, parfois en y associant une acceptation symbolique. Ce dernier, largement supérieur en nombre, réussit à fonctionner bien que les acteurs y enfreignent le cadre règlementaire quotidiennement, et ce, sans être sanctionnés. Nous avons aussi montré la résistance, dans le système, à reprendre la norme de 3 m de BR, à l'appliquer, ainsi que les stratégies utilisées : les élus municipaux refusent d'être les exécutants de Québec, les producteurs réfractaires, quant à eux refusent, avec l'appui de I'UPA, de se voir imposer des restrictions sur leurs exploitations, sur leur propriété; de plus, les agronomes se retrouvent dans une situation où leur mandat de certifier la présence et la qualité des bandes riveraines, comme professionnel, membre d'un Ordre, entre en conflit avec le renouvellement annuel du contrat qui les lie aux producteurs.
Les fonctionnaires, autant provinciaux que mun1c1paux, ceux qui sont responsables de la protection de l'environnement au nom de l'État, manquent tellement d' appui politique de la part des élus qu'ils sont incapables d'utiliser les pouvoirs qui leurs sont pourtant garantis par la loi. Les ministères passent par une incitation financière et technique au respect de la norme, les municipalités remettent à plus tard l'application rée(le en zone agricole ou adoptent, symboliquement, une réglementation plus sévère, toujours sans l'appliquer. Résultat : les producteurs proactifs volontaires sont surtaxés et les producteurs réfractaires laissés tranquilles, avec conséquemment des niveaux importants de pollution agricole diffuse.