Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

Cette recherche est dédiée au NE Moyen-atlasique, dont les contraintes physiques sont peu propices à l’anthropisation. Le paysan y a pu façonné une civilisation rationnelle à ses ressources. Sa situation stratégique et la bravoure de ses habitants, en a fait une forteresse contre toutes les invasions durant l’histoire, dont le protectorat français et le dernier en date. Avec l’avènement du protectorat, il a vécu un calvaire. Pour sa résistance farouche, le colon a tout fait pour ébranler son mode de vie, et il subit encore, de nos jours, des conséquences catastrophiques d’un embargo excessif.
C'est surtout l'avènement du protectorat, avec ses législations, ses contraintes nouvelles, qui a porté le kao au mode de vie pastoral traditionnel. Il marqua un tournant dans l'évolution socio-économique et écologique jusque-là relativement lente ou à dynamique paraclimacique.
La crise latente, qui couvait avant l'indépendance (décadence), apparaît plus nettement après celle-ci. Le paysan, aspirant à améliorer son niveau de vie, n'a plus devant lui que le chemin de l'exode. Ceux dont les moyens ne leur permettent pas d'émigrer, sont contraints d'exploiter l'espace de plus en plus intensément, pour subvenir à leurs besoins sans cesse croissants. Ceci sans oublier l’impact du voisinage tribal, qui se partagent, directement et indirectement, les droits d’affouage, de pacage et d’usufruit en général. En effet, leur économie de subsistance devient de plus en plus subordonnée à l'économie de marché, à qui profitent leur "surproduit" et leur "surtravail". Juste après notre étude commença l’exploitation forestière par la commune et c’est le paroxysme de la dégradation.
Les conséquences de cette crise se répercutent actuellement sur les milieux, sous forme de dégradation, de surpâturage et de coupes légales et illégales et anarchiques du bois d'oeuvre. Les paysans, en perdant leur amour du "bled" et de la tribu, finissent par renoncer à toute protection et soin à son égard. La chute libre de la valeur du foncier et de l'immobilier en est un indice fiable. Ces régions sombrent dans l'oubli et le dédain, même de la part des habitants, qui les avaient défendues par leur sang et qui de nos jours préfèrent, le cas échéant, investir ailleurs.
Ces processus sont extrapolables à la majorité des montagnes marocaines, d’où l’intérêt de l’étude. Ces milieux abritent encore les vestiges d’une phase écologique en extinction, comme de civilisation en voie de disparition. Plus cruel encore est le dédain de l’élite scientifique pour ces milieux, où ne s’est aventuré que de rares spécimens, et qui ont supporté des contraintes insupportables. Nous nous sommes ainsi trouvés devant un terrain quasi-vierge, où presque tout était à faire, il faut militer sur tous les fronts.
Notre objectif consiste donc à analyser ces milieux, à en cerner la dynamique et les paramètres à sa base et à détecter les causes locales de la crise, afin de prévoir ses conséquences lointaines, de façon à explorer les voies possibles d'un redressement de la situation.
Cette crise, à facettes multiples, ne pouvait être étudiée que par une approche globale, prenant en compte l'ensemble des différents paramètres, dans leurs dynamiques et leurs interactions, qui déterminent les résultats. La méthode géosystémique s’avère la plus adéquate. Nous nous sommes basés sur le travail de terrain, la photographie aérienne au 1/20000e pour réaliser une cartographie géosystémique à la même échelle. Notre travail y a été pionnier, à plusieurs égards, et une base solide pour le décollage de la recherche, en cette localité et milieux similaires.