Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

Les changements climatiques et les activités anthropiques sont des facteurs menaçant la qualité des eaux de surface. De ce fait, la préservation des ressources en eau, ainsi que le recours à la réutilisation des eaux sont devenues des préoccupations universelles majeures. Le Maroc est parmi les pays les plus menacés par la rareté des ressources en eaux et par leur dégradation, d’autant plus en raison de la succession de plusieurs années de faibles pluviométries. Des efforts considérables ont été déployés ces dernières années pour le contrôle de la qualité des eaux souterraines et des eaux de surface, en particulier les cours d’eau et les effluents des stations de traitement des eaux usées (STEP), ainsi que pour leur utilisation en tant que ressources non conventionnelles.
Le présent travail porte sur la surveillance des eaux de la rivière Ben-Kazza de la région Fès-Meknès au Maroc, traversant la commune rurale Aïn Taoujdate de la province d’El Hajeb. Les eaux de cette rivière sont soumises à différentes sources de pollution, incluant les ruissellements agricoles et les effluents de la STEP et de l’huilerie adjacentes. Ces eaux traitées sont utilisées pour l’irrigation de champs agricoles et pour l’abreuvement du cheptel. Le focus a été mis sur le suivi de la matière organique dissoute (MOD). En effet, la MOD constitue environ 90 % de la matière organique dans les eaux et c’est le vecteur principal de transmission de la pollution organique à travers les compartiments sols et eaux. Ses propriétés sont étroitement liées à l’origine des composés organiques qui la constituent et aux processus qui la modifient (dégradation, piégeage de micropolluants, etc.).
De février 2021 à juin 2023, environ 800 échantillons d'eau, collectés par échantillonnage ponctuel le long de la rivière Ben-Kazza (environ 3 km), ont été analysés à l'aide d'un large éventail de techniques analytiques croisant la quantification du carbone organique dissous, la spectroscopie UV-Visible combinée à la fluorescence d’excitation émission avec des analyses chimiométriques, et la chromatographie d'exclusion stérique. En parallèle, 69 échantillonneurs intégratifs passifs (Tige Silicone Polaire, TSP) ont été déployés sur des périodes de 14 jours sur plusieurs sites le long de la rivière, et analysés par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse basse et haute résolution pour quantifier ou identifier les micropolluants organiques. Les analyses qualitatives ont permis de caractériser la MOD dans les eaux et d’identifier les différentes fractions humiques, fulviques et protéiques. Elles ont aussi révélé la persistance de substances anthropogéniques dans les effluents de la STEP et de l’huilerie. Il s’agit de pesticides, de pharmaceutiques, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et d’autres polluants organiques attribuables aux procédés industriels de l’huilerie. Une base de données des matrices de fluorescence EEM de 108 micropolluants organiques a été créée pour permettre l’identification de ces substances dans les eaux environnementales. Par ailleurs, plus de 50 micropolluants organiques (pesticides, pharmaceutiques, hormones) ont été quantifiés dans l’eau de la rivière par les échantillonneurs passifs TSP. Des expérimentations de quenching de fluorescence d’une dizaine de micropolluants par la MOD ont permis d’illustrer la complexation qui peut se produire entre ces substances dans les milieux aquatiques. Le présent travail réalisé sur des eaux environnementales, dont des effluents de STEP, combinant différents modes d’échantillonnage et plusieurs techniques d’analyses, est le premier dans son genre au Maroc. Il a reposé sur une collaboration fructueuse entre le LASMAR de l’Université Moulay Ismail à Meknès et le LAMA de l’unité RiverLy d’INRAE à Lyon, et ce dans le cadre du programme PHC-Toubkal (2021-2023).