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Le lac Victoria : entre pollution, maladie et bassin de vie

Auteur : Magdelaine Christophe
Date de publication : 21/04/2006
Type : Etude
Thème : Pollution
Couverture : Maroc

Résumé/Sommaire :

Le lac Victoria est le plus grand lac d’eau douce d’Afrique et le deuxième au monde. D’une superficie de 68 100 km², il est la source du Nil Blanc (Bahr-el-Abiad), le plus grand affluent du Nil. Il fait vivre plus de 30 millions de personnes qui vivent sur ses rivages au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie et représente à ce titre un véritable poumon économique pour l’Afrique de l’Est.

Autrefois symbole d’une importante biodiversité, l’Homme y a introduit dans les années cinquantes la célèbre perche du Nil, un poisson apprécié notamment par les européens qui a offert des débouchés commerciaux pour les habitants au détriment de l’économie locale. En effet, la perche du Nil est un féroce prédateur qui a pratiquement épuisé la faune aquatique locale (qui comptait plus de 200 espèces de poissons) tout en accroissant la dépendance des pêcheurs.

A ce titre, le récent film "le cauchemard de Darwin" a mis en perspective le commerce de la perche du Nil vers l’Europe, les conditions effroyables de vie des habitant victimes d’une économie qui leur échapperait et dont l’un des bénéficiaire serait le marché de l’armement, alimentant des conflits qui ravagent la région, même si la réalité est sans doute plus nuancée.

Un lac victime d’une importante pollution

De surcroît, le lac sert de déversoir pour les industries, les égouts et les entreprises de nettoyage tout en profitant aux habitants dans leurs tâches quotidiennes : consommation d’eau, vaiselle, lavage... Au Kenya, sur de nombreuses plages de pêcheurs, les mêmes scènes quotidiennes se répètent : des femmes viennent puiser l’eau non loin de la berge polluée.

Par exemple, sur une plage de Kisumu (Kenya), pas moins de 500 véhicules sont lavés quotidiennement dans le lac par 300 jeunes hommes, pour un salaire journalier d’environ 300 shillings (3,5 euros). Pourtant, un panneau indique clairement que cette activité est illégale. Bien sûr, les personnes qui font ce travail le savent bien : elles participent à la pollution du lac et à la détérioration de leur santé mais comment faire pour subvenir à ses besoins primordiaux : manger ?

"chaque jour, des millions de litres d’égouts non traités sont déversés dans le lac depuis les centres urbains", relève un rapport du Programme de l’ONU sur les Grands Lacs publié en 2006.

Une hygiène catastrophique

Les conditions de travail et le manque d’hygiène fait que "100% des laveurs de voiture ont la bilharziose. Il est très rare de voir des personnes en bonne santé parmi celles qui ont des activités liées au lac", témoigne Diana Karanja, membre du Kemri, basé à Kisumu.

La bilharziose est une maladie tropicale qui touche plusieurs centaines de millions de personnes dans le monde et qui se contracte au contact de l’eau souillée. Cette contamination se traduit par des réactions cutanées : rougeurs, prurit puis trois semaines plus tard apparaissent une fièvre et une éruption cutanée. La présence du parasite peut entraîner des complications intestinales, pulmonaires et neurologiques.

Environ 1 000 personnes travaillent autour de cette plage et il n’y a qu’une seule latrine, payante. Du coup, les gens utilisent des toilettes en plein air", déplore Erick Muok, 28 ans, chercheur à l’Institut kényan de recherche médicale (Kemri). Rien que sur la côte kényane du lac, "il existe 20 sites semblables de laveurs de voiture", ajoute-t-il.

Bilharziose, choléra, pneumonie, vers intestinaux, diarrhée, maladie de peau figurent parmi les "maladies d’eau" qui touchent les personnes travaillant dans ou au bord du lac. "En terme de quantité et de qualité de l’eau (du lac), la situation est mauvaise et s’aggrave", confie Ladisy Chengula, spécialiste des ressources naturelles au bureau de la Banque mondiale à Nairobi. "La situation sanitaire (autour du lac) devient alarmante", relève Daniel Olago, enseignant universitaire à Nairobi et l’un des auteurs du rapport de l’ONU. Selon lui, les amendes frappant les industries polluantes installées au bord du lac (café, thé, coton, maïs, sucre, bière, etc.) "ne sont pas assez importantes" pour être dissuasives.

Un lac qui s’appauvrit et qui voit son niveau diminuer Le niveau du lac, dont l’apport en eau dépend à 80% des précipitations et pour 20% des rivières, a "baissé de 1,5 mètre lors des quatre dernières années", affirme M. Chengula, ajoutant : "en janvier dernier, le lac n’était que 17% au dessus du plus bas niveau enregistré en 1923". "L’un des problèmes majeurs est la quantité de sédiments déversés dans le lac, à cause de méthodes agricoles médiocres et de la déforestation pratiquée par les habitants pour le bois de chauffe", témoigne M. Olago. Un phénomène qui accroît l’eutrophisation du lac, c’est-à-dire son appauvrissement en oxygène.

Au final, la situation s’empire : plus la misère progresse, "plus les gens ont besoin du lac pour survivre" et moins ils respectent les ressources naturelles, relève Mme Karanja. "Cette situation doit être inversée, sinon nous atteindrons le point critique où le lac ne sera plus utile" pour personne, avertit-elle.

Fin mars 2006, le Gouvernement japonais et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ont signé un contrat de deux millions de dollars pour la démobilisation, le désarmement, la réhabilitation et la réinsertion des jeunes anciens combattants dans la région des Grands Lacs d’Afrique ravagée par la guerre.

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