Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

Puisqu’il s’agit de phénomènes insidieux et de plus en plus répandus, l’augmentation de la turbidité et l’envasement des cours d’eau retiennent souvent l’attention des biologistes. Dans certains états américains, l’envasement excessif des rivières depuis les cent dernières années est considéré comme le facteur principal de la constriction de l’aire de répartition de 78 % des espèces de poisson de même que de la disparition de plusieurs espèces indigènes. L’augmentation de la turbidité et notamment l’envasement progressif du lit de la rivière ont tous été identifiés comme des facteurs menaçant l’intégrité de l’habitat et, par le fait même, la survie du chevalier cuivré dans la rivière Richelieu. Ce document répond, en partie, à une recommandation émanant du Comité d’intervention (1995, 1999) qui consiste à évaluer leurs effets sur le chevalier cuivré. L’envasement des cours d’eau est un processus naturel. En situation d’équilibre, les apports qui surviennent au cours d’un cycle annuel normal ne modifient pas de façon significative l’écosystème. Chaque système possède donc une certaine capacité de tendre à nouveau vers l’équilibre suite aux évènements naturels les plus fréquents. Les activités anthropiques, de plus en plus nombreuses, représentent toutefois des perturbations additionnelles qui conduisent à l’accélération des processus d’érosion et d’envasement et à l’apport de sédiments fins dans la colonne d’eau. La présence de sédiments en quantité excessive influence les processus de transmission de la chaleur dans la colonne d’eau ce qui modifie inévitablement la quantité d’oxygène dissous. L’existence de liens très étroits entre la quantité de lumière qui pénètre dans l’eau, la production primaire, la respiration microbienne, la productivité des invertébrés et ultimement celle des vertébrés a été clairement démontrée. L’augmentation de la turbidité et l’envasement des cours d’eau entraînent une diminution de la biomasse des macrophytes et du périphyton. Les effets sur les organismes aquatiques sont généralement regroupés sous deux catégories; les effets directs : désordres physiologiques, modifications du comportement et dommages mécaniques; et les effets indirects qui résultent d’une altération de l’habitat et de leurs ressources alimentaires. Le niveau de sensibilité des différents organismes aquatiques peut varier considérablement entre les espèces et est tributaire de leurs exigences sur le plan biologique. Chez les poissons, les espèces les plus intéressantes pour la pêche sportive et la consommation (truite, saumon, brochet, esturgeon etc.) sont généralement plus vulnérables que les espèces ubiquistes souvent jugées moins désirables. La sensibilité de la faune ichtyenne à l’envasement et à la turbidité diffère également selon les étapes du cycle vital; les œufs et plus spécifiquement, les larves sont particulièrement vulnérables. L’influence de l’envasement et de la turbidité sur le succès de reproduction varie selon les guildes décrites par Balon (1975). Les spéléophiles, certains phytophiles et la plupart des lithophiles dont ceux de la famille des Catostomidés sont les plus sensibles. Les espèces dont les caractéristiques biologiques et les exigences écologiques sont similaires (modes de reproduction ou d’alimentation) présentent des réponses comparables à la dégradation de leur habitat par l’envasement. La plupart des Catostomidés sont connus pour être sensibles à la dégradation de l’écosystème. Ceux appartenant aux genres : Moxostoma, Minytrema, Scartomyzon, Thoburia, Hypentelium et Cycleptus, sont considérés les plus vulnérables à l’envasement et à la turbidité alors que ceux des genres Ictiobus, Carpiodes, Erimyzon et Catostomus y sont généralement plus tolérants. La disparition et/ou la diminution de populations chez une dizaine d’espèces de la famille des Catostomidés serait vraisemblablement reliées à la détérioration de leur habitat par l’envasement et la turbidité. Nonobstant le manque d’études de laboratoire concernant l’effet de l’envasement et de la turbidité chez les représentants du genre Moxostoma (absence dans le cas du chevalier cuivré), les nombreuses observations en milieu naturel de même que les études menées avec d’autres espèces, dont les exigences écologiques sont similaires, permettent une certaine extrapolation.
Reproducteur lithophile, benthophage spécialiste dont l’alimentation est basée presque exclusivement sur les mollusques, le chevalier cuivré présente des caractéristiques similaires à celles d’autres espèces qui sont connues pour être les plus affectées par la détérioration de l’habitat par l’envasement et l’accroissement de la turbidité.