Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

N’être pas fascinée par l’objet-femme au point de se laisser immerger par un regard faisant de la différence des sexes le seul vecteur social et culturel capable de dire l’universalité, ne pas «déréaliser» des phénomènes sociaux et politiques qui ont pour champ la douleur et qui ont une ou des histoires qu’il faut retranscrire : c’est entre ces deux risques qu’il sera traité ici de la violence et du sexe féminin à Paris au XVIIIème siècle. Les deux situations (violence des femmes, violence sur les femmes) sont repérables à des moments précis de l’histoire et en des espaces spécifiques. Ces formes de violence émergent dans des situations bien particulières, socialement construites, et face à des modes de réception qui leur sont propres, ces derniers sont possibles à définir puis à analyser. Le lien qui fait de la femme à la fois un être dit violent et un être dont on sait parfaitement qu’elle est en certaines circonstances objet d’une violence «due» à son sexe, tient à la façon dont la société urbaine montre simultanément qu’existe une réelle proximité de fait entre les sexes (investis dans des pratiques quotidiennes partagées de recherche du travail ou d’utilisation de l’espace), une inégalité frappante de droit et de capacité juridique et économique entre hommes et femmes, tandis qu’elle affronte en commun, et de façon différenciée, l'ensemble de la chose publique dont elle dépend. Ici, on est en présence d’un monde mouvant et mobile, où à l’intérieur d’une norme connue et transcrite culturellement (discours du droit, de la philosophie, de la littérature populaire, de la médecine) des déplacements et des écarts s’esquissent par rapport à elle, organisant des moments de réalité, où le sujet féminin se constitue entre une forme d’identité empruntée au masculin et une conformité aux rôles traditionnels. Dans ces lieux mouvants se jouent des scènes singulières qui font apercevoir un siècle où se dessinent les espaces possibles d’une certaine aisance entre les sexes, eux-mêmes enchâssés et contraints par les catégorisations les plus strictes de l’inégalité sexuelle.