Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

Ces deux dernières décennies, le Maroc a réalisé une grande avancée au niveau des grands chantiers économiques, dans le domaine politique, des droits et des libertés. Ces avancées ont été corroborées par la constitution du 29 juillet 2011 qui a marqué un tournant majeur dans l'histoire politique du Maroc en termes de nouveau pacte social, d'une nouvelle idée de la gouvernance par l'introduction de la régionalisation, d'une nouvelle répartition des pouvoirs et d'une consécration sans précédent des droits humains. Toutefois, cet élan s'est faiblement traduit par un impact effectif sur le bien-être social de la majorité des citoyens. Comme en témoignent les rapports nationaux et internationaux, les déficits patents en matière de développement humain engendrent un cercle vicieux qui se manifeste par une économie qui n'arrive pas à générer une croissance suffisante et soutenue, et par un déficit en éducation et capital humain, qui entrave l'économie, la croissance, la production des richesses, la création d'emploi, la dignité et le bien-être de la majorité des citoyens. Plus de deux années après l'élaboration de la vision stratégique 2015-2030, la transformation de l'éducation préconisée hésite encore à se mettre réellement à l'œuvre. La lenteur normative et les déficits accumulés, qui ont résisté aux réformes successives, sont autant de facteurs qui freinent l'enclenchement du changement. Ce qui implique que la crise de l'éducation, parce qu'elle compromet l'avenir des générations et le devenir du pays, est une crise structurelle et morale qui interpelle la nation. Cette crise est manifeste à travers le niveau faible des acquis des élèves et leur inadaptation aux besoins actuels et futurs du pays et du marché du travail, et par les valeurs véhiculées par l'Ecole. Parmi les manifestations les plus importantes de la crise de l'éducation, l'amplification des inégalités. Or, la mission assignée à l'école est de desserrer le lien entre les inégalités d'origine sociales (ou initiales) des élèves et leur devenir scolaire et social. Si les inégalités sont liées au mode de redistribution des richesses, à la pauvreté et au faible accès au bien-être social, elles se renforcent encore plus par leur ancrage dans l'ordre social, à travers l'éducation. Les inégalités sociales initiales, hors de l'école, se trouvant au gré des parcours scolaires, amplifiées par le système scolaire lui-même. En effet, l'inégalité devant l'éducation et la formation n'est pas seulement une inégalité parmi d'autres, elle est une courroie de reproduction des inégalités. L'ampleur des inégalités scolaires actuelles interpelle la capacité du modèle éducatif marocain à offrir, d'une manière effective, les mêmes opportunités à tous. Le premier pas dans la perspective du renouvellement du modèle de développement humain marocain est de connaître et de reconnaître les inégalités qui se logent au cœur du système d'éducation. Le deuxième consiste à réduire l'héritage des inégalités scolaires dans le cadre d'une approche holistique qui intègre les dimensions économique, politique, institutionnelle, culturelle et comportementale. Le troisième chantier et défi à relever par le pays est celui de l'émergence d'un nouveau modèle éducatif basé sur la justice scolaire et engageant le pays dans le processus de développement économique et dans l'édification de la société du savoir.