Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

La question de la nature des objets de la perception fut l’objet d’un désaccord entre les théoriciens de la connaissance. Schématiquement, ceux-ci adoptent à son sujet deux thèses opposées qui se présentent comme étant l’une l’antithèse de l’autre. Les réalistes pensent que les objets connus peuvent être perçus directement. Leurs adversaires, soutiennent, au contraire, que ce que nous percevons directement, ce sont plutôt des entités intermédiaires telles que les idées, les impressions ou les données sensibles et non pas les objets matériels eux-mêmes. Les partisans de la dichotomie entre les objets matériels et les sense-data puisent la justification de leurs théories dans les faits invoqués en sa faveur et il semble qu’on ne peut rejeter cette dichotomie sans tomber inévitablement dans le réalisme naïf. Pour échapper à cette alternative : ou bien croire en l’existence des sense-data comme objets de perception directe ou bien les rejeter et ne reconnaître que les objets familiers, Austin repense le problème de la perception d’une manière originale. En effet, en adoptant une attitude réaliste et pragmatique, le fondateur de la théorie des actes de langage s'écarte de la tradition philosophique non seulement en concevant le langage ordinaire comme un agir et non pas un simple dire, mais aussi en transportant le problème de la perception de son champ épistémique au champ linguistique afin de le soumettre à un examen critique dont le but est de discréditer la théorie des sense-data. Cet article présente en premier lieu la critique austinienne de la dichotomie entre objets matériels et données sensibles, en second lieu sa critique de l’argument de l’illusion sur lequel se fonde cette dichotomie, pour s’interroger , enfin, sur l’éventualité d’un réalisme austinien.