Auteur :
Zerhouni
Saloua,
Shimi
Linah
Année de Publication :
2019
Type : Etude
Thème : Société
Couverture : Maroc
Au Maroc, les violences à l’égard des femmes et des filles sont très répandues voire normalisées. L’enquête réalisée par le Haut Commissariat au Plan en 2009 a montré que 62,8% des femmes âgées de 18 à 64 ans ont subi un acte de violence sous une forme ou une autre pendant l’année précédant l’enquête. Certes, L’État a adopté un ensemble de mesures juridiques et institutionnelles visant une meilleure protection des droits fondamentaux des femmes (i.e. la loi 103- 13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes en 2018). Malgré ces efforts, les violences envers les femmes et les filles persistent.
L’étude menée par le RSSI en partenariat avec Oxfam met en exergue les liens entre normes sociales et institutionnelles et les violences envers les femmes et les filles (VFF). Les résultats de l’étude montrent que les normes sociales peuvent justifier, encourager, voire normaliser les VFF comme elles peuvent représenter un garde-fou contre ces dérives. Ainsi, lorsque les normes patriarcales prévalent dans les perceptions des rapports sociaux de genre chez les jeunes, les VFF sont acceptées voire normalisées aussi bien par les hommes que par les femmes.
En revanche, des normes telles que la solidarité sociale sont évoquées par les jeunes pour justifier des attitudes condamnant les VFF dans les espaces public et privé. Les groupes de référence les plus importants pour les jeunes lorsqu’il est question de rationaliser, justifier ou non les VFF sont la famille, les voisins et l’école/l’université. L’étude montre que plus les jeunes sont éduqués, plus ils ont tendance à adopter des attitudes qui condamnent les VFF.
Les normes institutionnelles peuvent également contribuer à favoriser ou inhiber les VFF. La protection des droits est indéniablement liée à un système judiciaire efficace, équitable et indépendant. Or, l’accès des Marocain.e.s à la justice n’est pas toujours garanti. Pour une majorité d’enquêté.e.s la corruption et le clientélisme sont des pratiques courantes du système et la méfiance envers les institutions décourage les femmes et les hommes d’user de leur droit de recours à la justice en cas de conflit, d’injustice ou de violence. Ceci dit, beaucoup de jeunes enquêté.e.s croient en l’importance des voies légales de recours.
D’où l’intérêt de renforcer la réforme de la justice au Maroc.
La lutte contre les violences envers les femmes et les filles nécessite des mesures holistiques et concertées entre les différents secteurs ministériels.
L’État a un rôle important à jouer non seulement à travers la promulgation de lois susceptibles d’assurer une meilleure protection des droits des femmes mais également en veillant à une meilleure applicabilité des lois dans des délais raisonnables. Éduquer aux valeurs de la citoyenneté et revisiter le discours religieux concernant le rôle et la place des femmes et des filles au sein de la société sont des actions importantes pour la prévention des VFF. Agir sur les normes sociales et institutionnelles qui favorisent les violences envers les femmes et les filles doit être inscrit comme une priorité stratégique nationale. Le coût de ces violences est exorbitant pour les familles, les enfants, la société et pour l’État (santé, justice, etc.).