Auteur :
Scarpetta
Stefano,
Sonnet
Anne,
Manfredi
Thomas
Date de publication : 14/04/2010
Type : Etude
Thème : Travail et Emploi
Les jeunes ont été très sévèrement touchés par la crise économique globale. Dans la zone OCDE, le taux de chômage des jeunes (15-24) a progressé de près de 6 points de pourcentage entre fin 2007 et fin 2009 pour atteindre près de19 %. Il y a actuellement environ 15 millions de jeunes au chômage dans la zone OCDE, soit environ 4 millions de plus que fin 2007. Dans des pays comme la France et l’Italie, environ un jeune actif sur quatre se retrouve au chômage, alors qu’en Espagne, c’est le cas pour plus de 40% d’entre eux.
La reprise économique est déjà manifeste dans un certain nombre de pays. Pourtant à court terme, les perspectives sont plutôt sombres pour le chômage des jeunes dans les pays de l’OCDE. En effet la reprise resterait hésitante en 2010 et ne deviendrait plus solide qu’en 2011. De plus, étant donné les capacités importantes inutilisées accumulées par les entreprises pendant la récession, on s’attend à ce que les créations d’emploi soient sensiblement retardées face à une trop faible reprise. Dans ce contexte, le taux de chômage des jeunes devrait rester à un niveau élevé durant les deux années qui viennent et de nombreux jeunes chômeurs sont susceptibles de connaître une période prolongée sans emploi
Perdre son emploi dans un marché du travail sans vigueur, alors que les offres d’emploi sont rares et que la compétition est intense entre demandeurs d’emploi, est une situation difficile à gérer pour tous les travailleurs. Mais pour les jeunes défavorisés qui n’ont pas acquis les savoirs de base, ne pas arriver à trouver ou garder un premier emploi peut avoir des conséquences négatives à long terme sur leurs perspectives de carrière ce que certains experts appellent des « stigmates ». Au-delà des effets négatifs sur leurs futurs salaires et leur employabilité, de longues périodes sans emploi pendant la jeunesse créent souvent des stigmates permanents de par leurs effets négatifs plusieurs années après sur différents aspects de la vie comme le bonheur, la satisfaction au travail ou la santé.
Après avoir présenté l’évolution du marché des jeunes dans les pays de l’OCDE et identifié les questions importantes qui se posent sur le plan structurel, ce document discute de ce que les gouvernements devraient faire pour minimiser les stigmates que la crise pourrait laisser aux jeunes ainsi que le risque d’une génération sacrifiée. Environ 30-40 % des sortants de l’école sont estimés comme plus particulièrement à risque parce qu’ils cumulent de multiples désavantages (le groupe des « laissés pour compte »), ou qu’ils sont confrontés à des barrières récurrentes pour trouver un emploi stable (le groupe des « débutants en mal d’insertion »).
A court terme, l’urgence est de fournir une assistance appropriée, particulièrement aux jeunes qui ont le plus de risque de perdre le contact avec le marché du travail. Dans les deux-tiers des pays de l’OCDE, les jeunes à la sortie de l’école n’ont pas droit à des allocations de chômage sauf s’ils ont travaillé une certaine période de temps (de quatre mois en France à un an plus généralement). Ils peuvent cependant avoir recours à l’aide sociale s’ils sont démunis socialement à partir de l’âge de 18 ans (25 ans en France, au Luxembourg et en Espagne). La principale ligne d’intervention est d’assurer une garantie de revenu aux jeunes chômeurs pour les aider à continuer à rechercher un emploi. En échange de cette garantie de revenu et selon le principe des « engagements réciproques », les jeunes demandeurs d’emploi devraient s’engager à chercher activement un emploi et se voir offrir des possibilités de participer à des dispositifs leur apportant de l’expérience professionnelle et à des programmes de formation. Ces derniers sont particulièrement indiqués pour les jeunes demandeurs d’emploi peu qualifiés de manière à consolider leurs qualifications et améliorer leurs chances de trouver un emploi quand la reprise économique sera vigoureuse. Cela dit, les gouvernements ne devraient pas sous-estimer les difficultés de mettre en oeuvre une politique du marché du travail basée sur acquérir des compétences d’abord, travailler après, particulièrement pour les jeunes défavorisés. Les évaluations au niveau international des programmes de formation pour les jeunes défavorisés produisent des résultats peu encourageants. De plus, quand les niveaux de chômage augmentent soudainement, il peut s’avérer difficile de mettre en place des programmes de formation en nombre et en qualité suffisants.
Une voie prometteuse est d’augmenter de façon nette les possibilités de contrats d’apprentissage offertes aux jeunes peu qualifiés dans lesquels ils peuvent acquérir à la fois des qualifications et une expérience professionnelle. En fait, l’apprentissage pourrait apporter un « double dividende”: sécuriser la transition vers un emploi qualifié et baisser les coûts du travail compensés par un engagement de formation de la part des employeurs. Quand l’économie ralentit, les employeurs sont plus réticents à offrir des places d’apprentissage et certains apprentis peuvent perdre leur emploi sans avoir terminé leur formation. Les gouvernements devraient alors offrir des subventions pour promouvoir l’apprentissage pour les jeunes non qualifiés et mettre en place des mesures pour aider les apprentis qui ont perdu leur emploi à terminer leur formation. Pour accentuer l’effet potentiellement de tremplin de tout contrat d’apprentissage, les employeurs devraient aussi être financièrement incités à embaucher leurs anciens apprentis dans un contrat plus permanent à la fin de leur apprentissage.
La crise de l’emploi devrait également être l’occasion de s’attaquer aux facteurs sous-jacents de la transition de l’école à l’emploi. Des actions supplémentaires pourraient être menées dans de nombreux pays pour s’assurer qu’aucun jeune n’entre dans la vie active sans être doté d’une qualification reconnue et valorisée. Atteindre cet objectif impliquerait que les moins de 20 ans soient encouragés à rester plus longtemps dans le système éducatif, du moment qu’ils puissent choisir entre une diversité de dispositifs d’apprentissage et que l’accent soit mis sur l’acquisition d’une qualification valorisée par les employeurs. Ceux qui abandonnent l’école ont également besoin de l’attention particulière des autorités de l’éducation pour assurer qu’ils ne perdent pas le contact ou renouent avec l’éducation en préparant un diplôme du deuxième cycle du secondaire ou un équivalent, avec de préférence une dimension de formation en entreprise. Il faudrait de plus se pencher sur les facteurs qui ont tendance à pénaliser les jeunes même dans les périodes de bonne conjoncture Les jeunes sont surreprésentés parmi les travailleurs en contrat temporaire. Même si pour beaucoup d’entre eux, ces contrats leur permettent de rebondir vers des emplois permanents, pour d’autres ils les font entrer dans la précarité. Réduire l’écart entre les règlementations des contrats temporaires et permanents pourrait contribuer à rendre plus fluide la transition des débutants, particulièrement des plus jeunes, de premiers emplois de courte durée vers des emplois plus stables qui offrent de réelles perspectives de carrière. Sécuriser la transition de l’école à l’emploi devrait s’accompagner d’une baisse du coût associé à l’embauche des jeunes peu qualifiés dans leur premier emploi.