Auteur :
El Aoufi
Noureddine,
Hollard
Michel
Année de Publication :
2010
Type : Article
Thème : Commerce
Couverture : Maroc
1.La concurrence est une « construction » prenant appui non seulement sur les exigences d’efficacité économique mais également sur l’état de la société, la nature de ses institutions, de ses ressources culturelles. Une approche pragmatique de la construction de la concurrence implique, par conséquent, une prise en compte des intérêts en présence, une gestion des risques que peuvent comporter la mise en œuvre brutale de la politique de la concurrence et le passage en force de ses règles.
2.Les dates fondatrices des politiques de concurrence sont 1889 (adoption de la loi relative aux enquêtes sur les coalitions au Canada) et surtout 1890 (Sherman Actaux Etats-Unis). Mais, en fait, ce n’est qu’après la fin de la Deuxième Guerre mondiale que ces politiques se répandent véritablement dans les pays industrialisés.
3.Le premier motif d’intervention de l’Etat dans les processus de concurrence a été souvent qualifié de populiste : il s’agissait de défendre le point de vue des « petits » par rapport aux « gros ». Il s’agit plus de l’application d’un choix initial en faveur d’une économie de marché que de la mise en œuvre d’un choix économiquement justifié.
4.La question de la concurrence va être l’objet de très nombreux travaux dans les années qui suivent. Celles-ci sont marquées par la concentration des entreprises capitalistes dans un contexte de confrontation avec le système communiste d’économie planifiée. Dans les années récentes, l’accent a été mis sur les problèmes d’information et, avec la théorie des jeux, sur l’importance des interactions stratégiques entre entreprises. Parmi les principaux apports théoriques, on peut citer la théorie des marchés contestables qui montre que la présence de monopoles peut être compatible avec un prix identique à celui de la concurrence parfaite ainsi que les discussions sur l’alternative surplus total ou surplus du consommateur, la prise en compte des coûts de transaction internes et externes aux entreprises.
5.Un débat plus récent porte sur le traitement de l’innovation avec la question des brevets. Nous n’avons en fait aujourd’hui aucune théorie qui permette d’appréhender de façon synthétique la dynamique de la concurrence, qui mêle inextricablement les dimensions du prix, de la différenciation de produits, de la construction de capacités et de l’innovation de produits ou de procédés et la logique de l’entrée.
6.Il est donc d’autant plus nécessaire de repenser le concept de concurrence en référence à la réalité marocaine. La nature composite de la société marocaine et la dynamique particulière des rapports entre l’Etat et le secteur privé constituent deux des spécificités marquantes de l’économie marocaine.
7.La concurrence doit réduire les positions de rente et préserver les situations de coopération. Le type traditionnel, ou domestique, qui continue à caractériser, dans une large mesure, les rapports sociaux au Maroc n’est pas à condamner dans sa globalité.
8.Toutefois, si l’ancrage des règles et des normes de la concurrence au sein de l’économie constitue le moyen le plus efficace pour faire reculer l’économie de rente dans notre pays, l’extension du champ de la concurrence ne doit pas, pour autant, se faire au désavantage des jeux coopératifs et conduire, à terme, à la dissolution du secteur coopératif et/ou solidaire dans l’agriculture, l’artisanat, les services, etc.
9.Une politique de la concurrence suppose comme préalable une connaissance approfondie des structures sectorielles et territoriales de l’économie nationale, des modes de fonctionnement du système productif et d’échange, de ses performances et de la nature de ses contraintes et limites.
10.Elle n’a de sens qu’en l’absence de concurrence déloyale, entre des entreprises soumises aux mêmes contraintes de fiscalité et de rémunérations du travail, d’accès au crédit, d’accès aux marchés, de respect du droit de la propriété intellectuelle. Elle suppose le respect des normes de protection des consommateurs. Ceci pose la question de l’intégration de l’informel par les règles de la concurrence.
11.Le rapport préconise de décliner la politique de la concurrence d’abord dans le secteur des PME essentielles dans le développement d’une économie marocaine dynamique.
12.Les grands groupes occupent des positions différenciées. Certains peuvent être de véritables « champions nationaux » à condition de soutenir la compétitivité externe et de promouvoir l’innovation. Pour être crédible, l’action de l’Autorité doit montrer qu’elle est indépendante des pouvoirs en place et, par conséquent, être en mesure de contrôlerex anteles principales concentrations, même si elles sont le fait de groupes disposant d’un pouvoir financier, voire politique important.
13.La mise en œuvre des règles de la concurrence peut suivre un processus ascendant et cumulatif allant des espaces concurrentiels (PME) vers les espaces plus ou moins oligopolistiques (grandes entreprises et groupes), le développement extensif(diffusion des règles à grande échelle) devant donner lieu, de proche en proche, à une implémentation intensive et en profondeur du régime de la concurrence à l’échelle de l’ensemble de l’économie.
14.Le rapport insiste sur la nécessité de conjuguer concurrence et coopération et présente les acquis récents de l’analyse économique dans ce domaine. Ces développements mettent en évidence la portée d’une démarche raisonnée visant à promouvoir une modalité optimale plutôt que maximale de la concurrence, prenant en compte quatre dimensions essentielles: nature des marchés et formation des prix, environnement social des échanges, organisation et fonctionnement des filières, incitation à l’innovation.
15.On peut constater ainsi que la concurrence optimale n’est pas la concurrence maximale. Il faut donc arbitrer entre concurrence et efficacité (y compris compétitivité sur les marchés extérieurs) et aller vers des « règles de raison », en prenant en compte l’ensemble de la filière de production.
16.Un point essentiel est de lever les obstacles à l’entrée dans les différentes branches de manière à favoriser l’innovation dans les secteurs d’avenir (informatique, santé, mode, etc.).
17.Le rapport s’interroge sur les moyens de doter le Maroc d’une véritable autorité de la régulation disposant d’un pouvoir décisionnel et d’une fonction arbitrale, autorité entretenant des relations étroites avec les autres institutions compétentes (direction des prix et de la concurrence, justice, agences de régulation, en particulier)
18.La crédibilité d’une telle autorité passe par le développement d’une compétence de haut niveau en matière d’expertise et d’analyse et d’une réputation d’indépendance et d’impartialité sans faille.