Abhatoo - Centre Nationale de Documentation

La capacité de résilience de la forêt d’arganier (Argania spinosa), ou « arganeraie », à absorber les impacts dus aux activités humaines, à la sécheresse et aux changements climatiques est tributaire de son mode de gouvernance. Cette forêt, qui s’étale sur environ 829 087 ha relevant des territoires régionaux de Souss-Massa et Marrakech-Safi, s’est adaptée au climat semi-aride à aride. Elle procure des biens et des services à 3 millions d’habitants, dont 2/3 de ruraux en offrant plus de 20 millions de journées de travail annuellement dont 8 millions pour les femmes rurales. Ces dernières s’auto-emploient au sein de 299 coopératives spécialisées dans l’extraction de l’huile d’argane. Leur revenu moyen varie entre 10 000 à 15 000 MAD (1340 à 2000 CAD) par ménage et par an. Grâce à son système racinaire, l’arganier sert de bouclier arboré contre la désertification qui guette la zone par le renforcement des sols face à l’érosion hydrique et éolienne. Soumise à de sérieuses contraintes de sécheresse récurrente et à de très fortes pressions anthropiques ce dernier quart de siècle, l’arganeraie accuse une forte régression tant en superficie qu’en densité. Un tel constat est d’autant plus inquiétant que sa gouvernance présente des dysfonctionnements de par la dispersion d’actions sectorielles ainsi que des textes juridiques et règlementaires majoritairement dépassés.
L’objectif du présent essai est de dégager des pistes de mises en commun des initiatives de toutes les parties prenantes à travers une gouvernance polycentrique basée sur la synergie des moyens mis en œuvre afin d’inverser la tendance de dégradation de l’arganeraie, d’atténuer sa vulnérabilité et de renforcer sa capacité de résilience. Le modèle proposé s’est basé sur les différents concepts de gouvernance des systèmes socioéconomiques, traités dans la littérature, tant du point de vue théorique qu’opérationnelle, principalement les huit principes développés par Ostrom. Il est ensuite étayé par des études de cas de systèmes socioécologiques sélectionnés en tenant compte des conditions biophysiques et des modes de gestion. Les conclusions de l’étude démontrent que la dégradation de l’arganier est une réalité sans équivoque. Ce mode de gouvernance est proposé afin d’instaurer des interactions à différentes échelles, depuis la base, entre les processus écologiques, sociaux et économiques dans la durabilité du système socioéconomique et d’accroître sa résilience. Le recentrage du mode de gouvernance actuel autour de cet objectif et l’engagement des trois institutions « pôles »; l’Agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier, la fédération nationale des usagers ayant droit de l’arganeraie et la fédération interprofessionnelle marocaine de l’arganier, représentent une mission difficile, mais inéluctable pour pérenniser ce système socioéconomique et le rendre résilient. Sa mise en œuvre nécessite concertation, rigueur et travaux intenses de longue haleine.